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Avec mon voisin de chambre nous sommes transférés du 4ème étage au premier, ce changement d’étage marque un changement de statut, nous passons d’accidenté grave nécessitant une aide particulière à patient autonome.

Dès lors, nous gérons notre stock de médicaments, la piqûre du soir et personne ne viendra nous voir pendant la journée pour contrôler nos constantes et nous dire bonjour.

Cela nous forcera à passer un cap, que ce soit physique ou psychologique, c’est une bonne chose, mais avec le recul je dois reconnaître que je suis un peu déçu de comment les choses se sont passées: au 4ème nous avions un suivi médical motivant, nous discutions beaucoup avec les médecins, ils nous écoutaient, nous trouvions des solutions adaptées, des modifications de thérapies pouvaient être envisagées, la notion d’écoute et d’interdisciplinarité était bien représentée et fonctionnait.

Nous avons dès lors l’impression qu’ici les médecins parlent et vous ? ben vous écoutez,…
Les échanges sont moins fréquents et très formels, je commence à bouger, de nouvelles douleurs apparaissent avec ces mouvements, c’est normal mais, malheureusement, ces nouvelles douleurs ne seront plus observées par les médecins, car selon “l’examen clinique” cela ne vaut pas la peine d’y prêter trop attention. Heureusement que nos physios tentent de trouver des solutions.

Le changement d’attitude du traitement est donc radical ! je me rends compte que cela doit être encore plus difficile pour mes compagnons qui parlent mal le français et qui peinent à trouver les bons mots pour expliquer, raconter, trouver une oreille attentive…

Chaque jour, je passe par la case gym, fitness et physio et dans quelques jours, j’aurai de la piscine ce qui me permettra de recommencer à poser le pied et tenter de marcher.

Je suis étonné comme les douleurs sont permanentes et durent longtemps, je vois une amélioration dans la mobilité de ma jambe droite, la gauche commence à pouvoir être levée sans trop de douleurs, mes épaules commencent à s’assouplir ainsi que mon dos. Ma musculature du dos et des jambes ressemble à un tas, compact, crispé, tendu que ma physio essaie de détendre petit à petit, ces séances sont douloureuses et recommencent chaque jour.

Un mois après mon arrivée à la SUVA, je fais le bilan avec ma physio qui est très satisfaite de l’évolution, elle est confiante quant à mon rétablissement, sa seule inquiétude se situe sur les douleurs et la rigidité de certains tissus autour de mon genou, les neurologues sont époustouflés de mon rétablissement,… J’aurais dû avoir plus de peine à récupérer, mais non,…

Quelques moments de latence dans mon esprit, encore des difficultés à me concentrer et à mémoriser mais je sens que je suis de retour !

Le moral est bon mais fragile, ma nouvelle vie va devoir être différente, j’en profiterai plus, je souhaite être plus serein, je prendrai plus de temps pour moi, pour les gens qui comptent, je ne me sacrifierai plus, j’avancerai avec les gens qui veulent avancer!

Je pense que je vais sortir d’ici dans trois ou quatre semaines, les prochains mois vont être douloureux et administrativement pénibles.

Dès que j’ai pu faire fonctionner mon cerveau, je me suis mis à écrire afin de documenter ce que je vivais, ce que je ressentais tout simplement parce que je n’avais pas la capacité de m’exprimer correctement. Ce chemin parcouru, je l’ai partagé, simplement et honnêtement pour exprimer ce que représentent les étapes à franchir après un accident.
De nos jours, internet, youtube nous permettent de voir des images dures et crues, des fous de la vitesse slalomant avec leur GoPro sur les autoroutes, des publicités, des campagnes de prévention nous montrant des accidents spectaculaires car “papa roulait trop vite…”. Tout cela est finalement devenu banal, nous n’avons plus réellement conscience de la réalité, de ce que signifie concrètement un accident.
Mon accident n’était pas le plus grave mais je suis tout de même resté hospitalisé 2 mois. Aujourd’hui je suis debout mais j’ai bien failli ne plus l’être du tout, ce n’était visiblement pas mon heure, j’ai eu de la chance,… J’ai des douleurs qui ne passeront peut-être jamais et des incapacités physiques et mentales qui me changeront pour toujours.

Aujourd’hui je pense à ceux qui m’ont accompagné pendant ce chemin et qui, chacun à leur manière, m’ont donné une petite touche de vie,…
L’ambulancier, le premier dont je me souviens de la voix, une voix qui distillait de simples informations, claires, précises et rassurantes, une infirmière aux urgences, une voix calme et qui m’expliquait tout, l’homme que l’on nomme Carlos qui me passait de la crème dans le dos pour me rafraîchir, cet infirmier que je ne voyais pas et dont j’entendais uniquement la voix, une voix, quelques mots, une histoire qui passait par là, une autre qui me donnait à manger et m’encourageait, une énergie tellement positive. Cette infirmière d’origine indienne, rassurante comme une maman, une autre, proche de la retraite et qui visiblement n’aime pas son travail ni les gens, qui me laissa un jour, sortant des toilettes sur ma chaise percée, au milieu de ma chambre le cul à l’air simplement parce qu’elle ne voulait pas m’aider à regagner mon lit, en plein contraste avec cet infirmier, dévoué, compatissant et dont chaque mot apportait un sentiment positif, ma physio, une belle femme asiatique, son sourire chaleureux et son énergie contagieuse, cette doctoresse de la SUVA, souriante, terriblement professionnelle mais à l’écoute. Ma physio valaisanne, un accent chaleureux et plein de soleil qui m’a fait avancer jour après jour, mon voisin de chambre, un tout cassé, drôle et moqueur (ça nous faisait du bien un peu d’autodérision), ces ouvriers blessés, usés et cassés dont le coeur et le courage ne sont pas près de s’éteindre, ces accidentés, fatigués, déçus et tristes mais pour qui chaque nouvelle journée était un challenge à relever, ma famille et mes amis qui m’ont donné de la force et qui m’ont fait confiance pour aller encore plus loin, ces inconnus qui le temps d’un regard et d’un sourire te font avancer… Je voulais vous dire Merci, …. Vous m’avez sauvé la vie !

Je suis debout et je compte bien en profiter encore plus,…. J’ai eu de la chance, pensez-y la prochaine fois, avant d’aller trop vite, avant de vous énerver, prenez vos responsabilités, profitez du moment et tant pis, vous arriverez en retard, vous prendrez le temps au stop et vous me verrez passer au carrefour…